Soutenir le développement d’une approche de macroplanification centrée sur le récit chez les éducatrices de la petite enfance

Le projet réalisé dans ce centre de la petite enfance (CPE) concerne des enfants provenant d’un milieu défavorisé. Les interventions sont « en lien avec les exigences du ministère de la Famille et menées selon les nouveaux programmes qui visent, entre autres, à s’assurer d’un dépistage précoce des difficultés éprouvées par les enfants et de la planification d’activités favorisant la stimulation des enfants en fonction toujours du rythme de chacun. » – Joseph Antoine Duchesne, directeur

C’est lors des rencontres de concertation organisées par l’Instance régionale de concertation de la Capitale-Nationale (IRC-CN) que Joseph-Antoine Duchesne, directeur du CPE Roc-Amadour, et Valérie Bédard, éducatrice au CPE, ont été inspirés par le projet de macroplanification présenté par la chercheuse Hélène Makdissi de l’Université Laval.

« Ce projet émerge de la préoccupation de la direction et des éducatrices devant les défis rencontrés dans leur milieu. Plusieurs des enfants qui fréquentent le CPE proviennent d’un milieu défavorisé. De plus, parmi ces enfants, certains sont allophones ou ont des retards de langage. Enfin, d’autres enfants bénéficient de très peu d’interactions autour du livre à la maison. » Claudia Sánchez, orthopédagogue et responsable des dossiers au préscolaire

Le projet « Voyage au pays des contes » vise à développer la littératie des petits par l’intermédiaire d’activités de dialogue autour du livre d’histoires et du livre documentaire. Les univers thématiques sont riches (ex. : la forêt) et ont pour but de propulser le développement des connaissances nécessaires à l’apprentissage ultérieur de l’écrit.

« Le portrait des enfants que nous desservons nous a amenés à remarquer des difficultés liées à leur capacité à s’exprimer et à bien comprendre divers concepts donnés à l’oral (échanges, consignes, narration, explications, interactions avec les pairs, etc.). Un de nos objectifs était de réduire les écarts entre les enfants. On veut réduire le plus possible les écarts entre nos enfants et ceux provenant d’autres milieux pour  leur parcours scolaire. » Joseph-Antoine Duchesne, directeur

Mme Claudia Sánchez, orthopédagogue et responsable des dossiers au préscolaire à l’École oraliste de Québec pour enfants malentendants ou sourds, agit à titre de conseillère pédagogique en accompagnant et en soutenant les deux éducatrices, Valérie Bédard et Maude Dechamplain, engagées activement dans ce projet. Celles-ci bénéficient de l’expertise de Mme Sánchez tout au long de la démarche alors qu’elles sont guidées dans l’appropriation du modèle d’intervention avec les enfants. Elles jouent aussi le rôle d’agent multiplicateur auprès de toute l’équipe du CPE.

La démarche en un clin d’œil

 « [Ce projet] apporte une belle flamme, une façon de nous renouveler et d’aller plus loin dans nos journées de planification que nous faisons déjà, cela nous permet de développer une autre façon de travailler avec les livres. Nous intégrons beaucoup les inférences, les idées que les enfants font ressortir par rapport au livre présenté et nous utilisons les univers selon leurs champs d’intérêt […]. La façon d’exploiter les ateliers est différente. » – Valérie Bédard, éducatrice

Plus précisément, ce projet de macroplanification propose des contextes d’intervention au préscolaire axés sur le dialogue (lecture interactive, jeu symbolique, écriture provisoire, discussion autour de livres documentaires, etc.) visant à développer les connaissances nécessaires à l’apprentissage ultérieur de l’écrit.  Ce modèle est, en effet, le résultat des travaux de recherche menés depuis plusieurs années par le Groupe de recherche et d’intervention auprès de l’enfant sourd (GRIES).

Le projet mis en place cible les enfants âgés de deux à trois ans. Mme Sánchez a donc organisé des rencontres régulières avec les éducatrices de ces groupes d’enfants afin de les accompagner d’abord dans la macroplanification, puis dans la mise sur pied d’interventions adaptées à ce groupe d’âge ainsi qu’aux besoins de chaque enfant. Au début, les rencontres avaient lieu tous les 15 jours afin d’offrir un accompagnement soutenu aux éducatrices. Depuis le mois de janvier 2019, les rencontres se tiennent une fois par mois dans le but de leur donner le temps de se préparer, de filmer leurs interventions et de compiler le matériel nécessaire pour l’analyse de leurs interventions.

« Les participantes sont grandement motivées et impliquées dans la démarche et s’approprient naturellement le modèle proposé en l’adaptant à leurs besoins, et ce, en fonction de leur réalité. » – Claudia Sánchez, orthopédagogue et responsable des dossiers au préscolaire

Les grandes lignes de la macroplanification ont été développées conjointement par Mme Sánchez et les éducatrices en ciblant les activités et les ateliers à exploiter pour les semaines à venir. Le soutien que les éducatrices ont reçu repose sur l’élaboration de la macroplanification, sur l’analyse des récits, sur la planification de lectures interactives et sur l’analyse des interventions. Une place très importante a été accordée à l’analyse de la structure causale du récit nécessaire à la planification de lectures interactives, une activité se situant au cœur de la macroplanification. Pour faire avancer la réflexion, beaucoup de temps était consacré aux discussions sur les interventions faites par les éducatrices auprès des enfants.

« Lors de nos interventions ou lors des lectures, on se filme pour analyser et réfléchir avec Claudia sur les façons de faire ressortir le but de l’histoire ou les éléments essentiels. On se filme, on s’analyse et on se corrige ensemble. […] Il faut être prête à vivre ça. Ma collègue et moi, on l’était. On voulait bien appliquer les choses. C’est une chose d’avoir la formation, mais c’est autre chose de l’appliquer au quotidien et de le faire comme il le faut. On voulait se l’approprier et prendre le temps de bien le faire » – Valérie Bédard, éducatrice

Les défis et les bons coups

Le plus grand défi rencontré par les éducatrices est d’être en mesure d’adapter leurs interventions afin de répondre aux besoins des enfants en fonction de la diversité et des particularités de chacun.

« Disons que l’escalier entre les enfants peut être très grand. On s’ajuste au quotidien et on essaie des choses pour les nourrir avec la préoccupation de faire participer chaque enfant à son niveau. » – Valérie Bédard, éducatrice

Un autre défi auquel les éducatrices et le directeur ont fait face concerne le temps qu’ils doivent accorder pour effectuer le travail qui entoure le projet entre les rencontres.  Pour parvenir à dépasser cette embûche, ils ont tous démontré une grande ouverture et manifesté un réel engagement, pour qu’à chaque rencontre, les éducatrices poursuivent leur réflexion et le coaching avec Mme Sánchez.

« Nous ne sommes pas un établissement scolaire; le CPE a des espaces restreints pour la planification. Mensuellement, les éducateurs ont l’équivalent de sept heures pour faire leur planification. » – Joseph Antoine Duchesne, directeur

Mme Sánchez, de son côté, est très fière du climat de travail qui s’est installé entre les participantes, contribuant ainsi à la mise en place du projet et à son appropriation par les éducatrices.

« Une belle complicité s’est développée grâce à l’investissement et à l’ouverture des éducatrices et à l’accueil de leurs idées et des propositions. » – Claudia Sánchez, orthopédagogue et responsable de dossiers au préscolaire.

Ce climat de travail a permis à l’équipe de créer un espace de dialogue et de réflexion favorisant les ajustements nécessaires à la réalisation du projet; les participantes ont alors pu exprimer leurs questionnements, communiquer leurs observations et formuler des propositions autour de la macroplanification. Les éducatrices ont ainsi réussi à surmonter le principal défi du projet : l’adapter au quotidien pour les plus petits en palliant les contraintes de la routine qu’elles doivent respecter pour ce groupe d’âge. Il a fallu que l’équipe, principalement les éducatrices, fasse preuve de beaucoup de persévérance et d’une grande flexibilité pour s’ajuster aux contraintes imposées par les horaires et les routines des petits qui empêchaient parfois la mise en place des activités qui avaient été planifiées dans le cadre du projet.

Les plus grandes réussites entourant le projet sont pour M. Duchesne et les éducatrices les changements qu’ils peuvent dorénavant percevoir chez tous les enfants ainsi que de recevoir les réactions des parents à la suite d’une nouvelle expérience qu’ils auront vécue avec leur petit à la maison.

« Les enfants questionnent beaucoup, le vocabulaire est plus précis.  Les parents sont surpris, ils nous le disent. […] Ils sont à un niveau différent, ils sont plus curieux, le vocabulaire est plus présent. On voit qu’ils ouvrent. [ .. ] On n’a pas d’outils pour évaluer, mais on est en mesure de voir les changements sur le plancher. » – Joseph Antoine Duchesne, directeur

L’utilisation des connaissances issues de la recherche

Mme Sánchez a guidé les interactions tout au long du processus. De manière plus ou moins explicite et à plusieurs moments, les fondements de la recherche ont été mobilisés, dont l’approche de collaboration et d’analyse réflexive (Vanlint, 2018). La prise en considération des points de vue croisés et des expertises respectives a contribué, d’une part, à ce que les éducatrices s’approprient le modèle de macroplanification proposé (grâce à la construction et à la mise en place de leur propre projet de macroplanification sur le thème de la forêt), et d’autre part, à créer un espace pour l’analyse réflexive des interventions déployées auprès des enfants.

Mme Sánchez a joué un rôle important dans l’accompagnement des éducatrices lorsque ce projet, inspiré du modèle présenté par Hélène Makdissi, leur a été soumis. Elle leur a notamment offert un encadrement et les outils nécessaires pour enrichir les réflexions et faire avancer le projet.

« Au départ, une formation pour bien placer les fondements de l’approche a été donnée à toute l’équipe. Les membres du personnel ont eu des devoirs et une formation d’une demi-journée concernant les approches précises. Mon rôle, comme directeur, est de faire en sorte que l’équipe se mobilise et change graduellement sa manière de planifier. […] On voit les éducateurs et les éducatrices procéder à des changements. Naturellement, pour les deux éducatrices qui vivent le projet sur une base continue, c’est déjà enclenché. » – Joseph- Antoine Duchesne, directeur

Le projet s’inscrit dans une approche développementale (Piaget, 1968) qui tient compte du niveau actuel des enfants dans le but de les propulser vers des niveaux supérieurs de développement (Vygotsky, 1934/1985). À l‘instar des travaux sur le développement du récit (Stein, 1988; Makdissi et Boisclair, 2006), de la causalité dans le récit (van den Broek, 1989), de la conceptualisation du système alphabétique (Ferreiro, 1990) et du langage explicatif (Veneziano, 1999), le projet de macroplanification propose de contextes d’intervention au préscolaire axés sur le dialogue ciblant le développement des fondements de la langue écrite(Voir la liste des références)

Un regard sur le réflexion

« Les éducatrices sont de plus en plus à l’aise pour analyser les schémas du récit et pour cibler des questions ouvertes centrées sur la trame causale. Elles constatent déjà les bénéfices de telles interventions sur le développement de certains enfants. » – Claudia Sánchez, orthopédagogue et responsable des dossiers au préscolaire.

Au fil des rencontres, les interventions des éducatrices ont évolué. Ces dernières semblent s’approprier davantage les connaissances issues de la recherche et constatent elles-mêmes les bénéfices de leurs actions auprès des enfants.

« C’est beaucoup dans la lecture interactive. De jour en jour, au fil des histoires que nous lisons avec eux, les réponses sont de plus en plus riches. C’est étonnant. Leurs jeux aussi sont modifiés, ils sont plus structurés. » – Valérie Bédard, éducatrice

Le projet est en cours de réalisation. Deux ateliers interactifs sont prévus et offriront à l’ensemble des éducateurs une occasion de se familiariser avec la lecture interactive et les principes de macroplanification dans le but d’étendre le travail d’accompagnement aux éducateurs et aux éducatrices des autres groupes.

« Pour l’équipe, c’est un moteur de motivation. La perception du travail concernant l’équipe d’éducateurs est différente maintenant. On voit apparaître une intention pédagogique aux interventions que l’équipe pose. Sans nécessairement avoir l’obligation de résultats. On ne se prend pas pour une école, c’est bien clair. […] Les deux éducatrices qui vivent le projet présentement ont joué grandement sur la motivation du personnel. Ce sont des piliers. » – Joseph Antoine Duchesne, directeur

Ainsi, pour la suite du projet, les éducatrices actuellement impliquées pourront à leur tour accompagner leurs collègues dans la planification de nouvelles macroplanifications. Aussi, l’équipe souhaiterait amorcer des réflexions quant aux pistes d’action visant à soutenir les élèves qui présentent des difficultés langagières.

Pour 2019 et 2020, l’équipe prévoit présenter un nouveau volet de développement qui contribuera à la poursuite du projet.


Personne contact de l’école:

  • Claudia Sánchez, orthopédagogue et responsable de dossiers au préscolaire (claudia.sanchez@ecoleoraliste.qc.ca)

Personnes impliquées dans le projet:

  • Claudia Sánchez, conseillère pédagogique, partenaire du projet – École oraliste de Québec pour enfants malentendants ou sourds
  • Joseph-Antoine Duchesne, directeur général –  CPE Roc-Amadour
  • Valérie Bédard, éducatrice  – CPE Roc-Amadour
  • Maude Dechamplain, éducatrice – CPE Roc-Amadour
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Personne-ressource :
Claudia Sánchez
claudia.sanchez@ecoleoraliste.qc.ca

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