Entre Monts et Mots : une communauté d’apprentissage d’enseignantes-auteures pour la mise en place de cercles d’auteurs en classe

Des membres de deux écoles primaires de la Commission scolaire des Hautes-Rivières préoccupés par l’enseignement et l’apprentissage de l’écrit, ont initié en partenariat avec deux chercheuses de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Ophélie Tremblay et Élaine Turgeon, un projet de recherche-action portant sur l’expérimentation d’une nouvelle approche, à savoir l’utilisation des cercles d’auteurs comme démarche d’enseignement de l’écriture.

« Avec ce projet-là, on voulait répondre à un besoin des enseignants, qui se questionnaient sur l’enseignement de l’écrit et qui voyaient que leur approche était insatisfaisante en matière de processus chez les élèves. » – Brigitte Gagnon, conseillère pédagogique.

« C’est sûr qu’au départ, c’était quand même une problématique qui était préoccupante pour les enseignantes. Ça faisait longtemps que l’on savait que nos élèves, au niveau de l’écriture, ne faisaient presque pas de révision et qu’il n’y’avait presque pas de différence entre la copie brouillon et la copie mise au propre. On savait aussi qu’au fond, on n’enseignait pas « trop » l’écriture. Ça servait surtout à des fins d’évaluations. Notre problématique au départ était fondée. » – Ruth Phaneuf, directrice de l’établissement.

Le projet, réalisé sur trois ans, comportait trois objectifs chacun assigné à une année du projet. Tout au long des trois années qu’a duré le projet, différents acteurs y ont été impliqués, selon des rôles définis. L’équipe d’encadrement, composée de la direction, de deux chercheuses de l’UQAM, de deux conseillers pédagogiques ainsi que de deux orthopédagogues, a, au départ, pensé le projet en fonction des besoins exprimés par les enseignantes et des données fournies par la littérature scientifique au sujet de l’enseignement de l’écriture. Lors des autres étapes du projet, l’équipe a soutenu les enseignantes volontaires dans leur communauté d’apprentissage, dans l’ajustement de leurs pratiques ainsi que dans l’intégration des cercles d’auteurs dans leur classe.

Le projet en un clin d’oeil

Sous la forme d’une communauté d’apprentissage, le projet de recherche-action consistait à faire vivre aux enseignantes des cercles d’auteurs pour qu’elles saisissent mieux la façon dont on procède lorsqu’on écrit un texte, les conditions qui sont gagnantes dans ce processus, la façon dont nos pairs peuvent nous aider à enrichir notre travail, etc. Les enseignantes étaient ainsi en mesure, par la suite, de faire vivre ces cercles d’auteurs à leurs élèves et, ultimement, de mieux enseigner le processus d’écriture.

« Le principe de base des cercles d’auteurs, c’est d’amener les élèves à écrire « pour vrai », dans une posture d’auteur, en travaillant avec leurs pairs pour se réguler et pour améliorer leurs textes. Dans notre communauté d’apprentissage, on a voulu proposer aux enseignantes de se glisser elles-mêmes dans la peau d’un auteur, pour qu’elles puissent ensuite mieux faire vivre la démarche à leurs élèves. » – Ophélie Tremblay, chercheuse.

Les enseignantes ont, au début du projet, expérimenté la nouvelle approche, elles se la sont appropriée, puis ont réfléchi ensemble, se sont questionnées et ont discuté de leurs pratiques. Elles ont ensuite mis les cercles d’auteurs en place dans leur classe et ont échangé sur les embuches rencontrées pour finalement devenir elles-mêmes les expertes du sujet et le noyau de la diffusion de cette pratique en participant à des colloques professionnels et en rédigeant ensemble près de dix articles sur le projet.

 « Il y a eu une évolution de nos rôles et de nos fonctions dans l’équipe. Au début, les enseignantes étaient en mode expérimentation et appropriation et, au terme du projet, elles ont adopté une posture de praticienne chercheuse qui expérimentaient et cherchaient à résoudre des problèmes de la pratique.  Ce sont elles qui sont devenues les expertes au bout du compte. D’ailleurs à cet effet, elles prennent une part active à la diffusion des résultats de la recherche, que ce soit dans le cadre de colloques ou par l’écrit d’articles professionnels.[1]Ce sont elles qui vont décrire et diffuser la pratique. » – Brigitte Gagnon, conseillère pédagogique.

Les défis et les bons coups

Le meilleur coup du projet est sans contredit, selon Mme Gagnon, conseillère pédagogique, le fait d’avoir pris le temps, au début de la démarche, de faire vivre les cercles d’auteurs aux enseignantes elles-mêmes. Cela leur a permis de passer d’abord par un processus de transformation, de la posture de l’écrivain à celle de  l’enseignante-auteure. Le projet a eu un impact important sur les enseignantes impliquées, tant sur le plan de leurs pratiques que sur le plan de leurs conceptions par rapport à leur rôle et à l’enseignement en général.

«  L’accompagnement et la création de sens par les enseignantes dans la démarche, c’est ce qui fait la différence. C’est tout le cheminement qu’elles ont fait de façon individuelle et collective qui fait qu’au bout du compte, il y a une transformation au-delà des techniques. » – Brigitte Gagnon, conseillère pédagogique.

Or, cette transition dans les pratiques enseignantes a évidemment généré son lot d’inconfort et d’insécurité. Le soutien offert par l’équipe d’encadrement s’est donc avéré très important et a constitué le principal défi du projet. Il a fallu mettre en place un cadre de sécurité affective et un climat de confiance, dans lequel l’erreur était permise et dans lequel les principaux acteurs avaient le temps d’effectuer les ajustements nécessaires.

L’utilisation des connaissances issues de la recherche

Les chercheuses ont été présentes durant toutes les étapes du projet de recherche-action. Au début de celui-ci, elles ont documenté l’impact des pratiques personnelles des enseignantes en écriture sur leur enseignement de l’écrit. Elles ont formalisé la démarche des cercles d’auteurs pour la faire vivre aux enseignantes. Puis, en cours de projet, elles ont appuyé et alimenté, tant théoriquement que concrètement, les réflexions et les questionnements des enseignantes en expérimentation. En collaboration avec les membres de la communauté d’apprentissage, elles ont trouvé des solutions aux obstacles rencontrés lors de l’implantation de l’approche en classe.

C’est le principe de recherche-action qui sous-tend le projet entrepris à la Commission scolaire des Hautes-Rivières; ainsi, la recherche a nourri le projet, mais celui-ci l’a nourrie en retour en améliorant les connaissances scientifiques à propos de l’approche mise en place dans les classes de français.

« On est en recherche-action, ce n’est pas une application de connaissances. On s’appuie sur les connaissances issues de la recherche pour orienter nos réflexions, mais au bout du compte, ce qu’on produit, c’est une nouvelle recherche. Ce qui va ressortir du projet, ce sont de nouveaux savoirs professionnels créés et contextualisés pour répondre aux besoins de la pratique, de même que de nouvelles connaissances scientifiques qui permettent de formaliser la démarche des cercles d’auteurs et de documenter la façon dont les enseignantes et les élèves se l’approprient. Ce type de recherche permet un équilibre aussi fort que réjouissant entre recherche, action et formation. » –  Ophélie Tremblay, chercheuse.

Un regard sur la réflexion

Le projet tirant à sa fin, l’heure est au bilan et celui-ci s’avère très positif! En effet, l’équipe constate une amélioration de la qualité des textes des élèves participant aux cercles d’auteurs. Ces élèves écrivent mieux, ils écrivent davantage et de façon plus variée.

« Les élèves sont émerveillés par ce que l’enseignante peut écrire et ça leur donne un modèle tellement inspirant.  Je le vois aussi à la lecture des textes des élèves jusqu’à quel point ils sont inspirés maintenant puis comment les textes sont riches. Ils sont plus surprenants ! Les élèves travaillent maintenant en s’inspirant des manières de certains auteurs. Ils font des chutes dans leurs histoires, ils écrivent des dialogues. » – Ruth Phaneuf, directrice de l’établissement. 

En outre, il s’est installé un climat d’autorégulation naturelle entre les élèves, qui révisent notamment leurs textes ensemble.

L’approche innovante mise en œuvre dans ce projet ainsi que ses retombées positives observées ont interpellé d’autres écoles, qui ont décidé d’implanter le projet en leurs murs, afin de stimuler le plaisir, la motivation et la compétence à écrire des élèves.


Personne-ressource de la commission scolaire:

  • Brigitte Gagnon, conseillère pédagogique (brigitte.gagnon@csdhr.qc.ca)

Membres de la communauté d’apprentissage:

  • Ruth Phaneuf, directrice de l’école Saint-Michel, Rougemont
  • Les enseignantes Brigitte Rainville, Nathalie Sierro, Caroline Champagne et Émilie Bhérer
  • Louise Tarte, orthopédagogue
  • Ruth Audet, orthopédagogue
  • Brigitte Gagnon, conseillère pédagogique
  • Jean-Benoit Chouinard, conseiller pédagogique
  • Ophélie Tremblay, professeure et chercheuse – Université du Québec à Montréal
  • Elaine Turgeon, professeure et chercheuse – Université du Québec à Montréal

Nous remercions également les enseignantes qui ont participé à l’une ou l’autre des années du projet.

[1]Un numéro de la revue Hybride en éducation permettra de diffuser plusieurs articles professionnels rédigés par les membres de cette communauté dès l’automne 2019.

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