« Lorsque l’on parle de littératie ou d’entrée dans l’écrit, les enseignantes sont souvent en questionnement et à la recherche de façons de faire efficaces. […] Avec ce projet, en plus de tenter de mettre à l’avant-plan l’importance du jeu symbolique, on cherchait à accompagner les enseignantes pour qu’elles bonifient leurs stratégies d’intervention qui soutiennent le développement du langage oral et écrit chez les enfants. » Marie-Hélène Leblond, conseillère pédagogique.
Marie-Hélène Leblond, conseillère pédagogique à la Commission scolaire de la Capitale, et une équipe de chercheuses de l’Université Laval, Caroline Bouchard, Christine Hamel, Anabelle Viau-Guay et Stéphanie Duval, en collaboration avec Lise Lemay et Annie Charron de l’Université du Québec à Montréal, ont développé un dispositif de formation centré sur l’activité réelle en classe des enseignantes de maternelle 5 ans sur l’émergence de l’écrit en situation de jeu symbolique. Dans le cadre de ce projet, des enseignantes en provenance de différentes écoles du territoire ont bénéficié de formations et d’un accompagnement pour soutenir le développement de leurs pratiques enseignantes.
« M’impliquer dans un tel projet me permettait de réfléchir à ma pratique et à ce que je devais modifier et il me permettait de bonifier l’expérience éducative que j’offre à mes élèves. Je n’étais pas toujours sûr si ce que je faisais dans ma classe était toujours bien. Je ne voulais pas que ma classe ressemble à une classe de première année. » – Olivier Mathieu, enseignant.
Ce projet de recherche a duré trois ans. Lors de la première année, des journées de formation ont été tenues sur des contenus spécifiques. Pour les deux années suivantes, des laboratoires collaboratifs d’analyse vidéo ont été menés. Dans le cadre de ces laboratoires d’analyse vidéo, un entretien individuel et trois rencontres en communauté de pratique ont été organisés annuellement. La participation à la première année du projet permettait de développer un répertoire commun de connaissances sur le développement du langage oral, l’émergence de l’écrit et le jeu symbolique chez l’enfant. Les enseignantes se sont également préparées à participer aux laboratoires collaboratifs de façon graduelle. Au total, c’est près d’une quinzaine d’enseignantes qui se sont engagées activement du début à la fin de ce projet de recherche.
« Je savais que j’allais réfléchir sur mes propres pratiques pédagogiques, qu’il y aurait d’autres enseignants qui allaient réfléchir sur ma pratique et que moi j’allais réfléchir sur les pratiques pédagogiques d’autres enseignants. […] C’est un processus réflexif qui allait me mener à être un meilleur enseignant.» Olivier Mathieu, enseignant.
En arrimant la théorie et la pratique, les participantes impliquées ont pu analyser leurs pratiques enseignantes en classe, à partir de vidéos, afin de réfléchir en groupe aux différents moyens et enjeux pour favoriser le développement du langage (oral et écrit) dans le jeu symbolique des enfants. Ces rencontres collaboratives ont permis de faire émerger des tensions importantes vécues dans leur activité enseignante lorsqu’elles revoyaient leur vidéo ou celles de leurs collègues. Par exemple, une des tensions vécues était à l’effet d’insérer ou pas la situation de jeu symbolique dans la période d’ateliers, de manière à avoir des intentions pédagogiques claires en matière de soutien du langage oral et d’émergence de l’écrit des enfants, formulées dans une planification notamment.
« Avant, je voyais la préparation du coin du jeu symbolique comme une très lourde tâche. Par les réflexions et les analyses que nous avons faites, je comprends maintenant qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un coin élaboré et les exigences des enfants par rapport à la beauté du coin du jeu symbolique ne sont pas aussi élevées que ce que je pouvais penser.» – Olivier Mathieu, enseignant.
Pour sa part, la conseillère pédagogique a participé à l’élaboration et à la planification des rencontres de groupe. Lors des rencontres de la première année du projet, l’animation était principalement assurée par l’équipe de recherche. Puis, dans la troisième et dernière année du projet, Mme Leblond en a graduellement assumé l’animation avec la chercheuse principale.
Au cours du projet, les enseignantes et la conseillère pédagogique ont fait face à de nombreux défis. La présence d’une équipe de chercheuses a permis de soutenir les réflexions ainsi que les remises en question qui ont émergé et d’accompagner les participantes qui cherchaient à développer des pratiques pour que leurs interventions dans le contexte du jeu symbolique et dans sa planification intègrent davantage le langage écrit.
« Le vrai défi pour moi était vis-à-vis de mes pairs et de me voir sur vidéo devant des collègues, mais avec la chimie du groupe et le climat très respectueux, j’ai passé par-dessus ma gêne et je suis allée jusqu’au bout. » – Caroline Gignac, enseignante.
Pour Mme Leblond, ce projet a été l’occasion de réfléchir aux différents rôles que peuvent jouer les enseignantes dans le jeu symbolique afin de soutenir les enfants et le développement de leur langage oral et écrit. Les actions menées tout au long du projet sont positives.
« Ça ébranle les façons de faire. II faut d’abord comprendre ce que l’on doit mettre en place et prendre le temps de le mettre en pratique auprès des enfants. Il y a des enseignantes qui ont fait des constats très intéressants. On voit que la place du jeu revient à l’avant-plan. » Marie-Hélène Leblond, conseillère pédagogique.
Les chercheuses, en collaboration avec la conseillère pédagogique, ont préparé le contenu des quatre formations (an 1) en se basant sur les données issues de la recherche qui tendent à démontrer que le soutien à l’apprentissage des enfants (dont le langage oral et l’émergence de l’écrit font partie) tend à être faible dans les classes à l’éducation préscolaire. Par ces formations, les enseignantes ont développé leurs connaissances autant sur les fondements théoriques que sur les pratiques de qualité à mettre en œuvre auprès des enfants en classe, à la fois pour le langage (oral et écrit) et le jeu symbolique.
« En somme, les gens de la recherche et les enseignantes sur le terrain valident, expérimentent et font des bilans ensemble. Ça rend crédibles certaines pratiques, le message est appuyé par des expertes. » – Marie-Hélène Leblond, conseillère pédagogique.
De plus, il y a eu une belle collaboration entre les enseignantes et les chercheuses qui ont d’abord analysé ensemble les vidéos pour ensuite tenir des activités d’autoconfrontation où les échanges et les réflexions des enseignantes étaient soutenues par le questionnement bienveillant des chercheuses et les pistes de développement individuelles de chaque enseignante et enseignant.
« La formation, les interactions avec les collègues [en discutant, en se posant des questions, en regardant les autres, en trouvant des solutions ensemble], les moments seuls avec les chercheuses alors que je regardais ma propre pratique […], les questions posées par les chercheuses ; ce mélange de tout ça m’a poussé à aller plus loin. C’est là qu’on évolue. Il est rare que nous ayons un accompagnement soutenu qui nous permet de faire progresser nos pratiques pédagogiques.» – Olivier Mathieu, enseignant.
« Maintenant, je m’oblige à mettre des situations d’écriture et de lecture. Ça fait vraiment partie de ma pratique parce que c’est stimulant pour l’enfant. Je sais maintenant que cela a un impact pour eux […], ça fait vraiment une différence. » – Caroline Gignac, enseignante.
Dans le cadre de ce projet, les enseignantes, la conseillère pédagogique et les chercheuses ont souhaité obtenir une vision commune de l’activité des enseignantes quant au développement du langage oral et de l’émergence de l’écrit en situation de jeu symbolique dans la classe. Ce projet a permis de développer un premier portrait des possibilités en la matière, un portrait qui est respectueux des différentes contraintes et des engagements des enseignantes dans leur activité réelle. Ainsi, bien que la recherche ait établi certains standards en matière d’émergence de l’écrit et de jeu, ce projet a permis de mettre en lumière la complexité de l’activité de l’enseignante à l’éducation préscolaire et les tensions vécues par les participantes dans leur pratique à ce sujet.
Le projet est actuellement à la troisième et dernière année du processus. Les chercheuses travaillent présentement avec les enseignantes de la 2e cohorte. Pour la suite, Mme Leblond a bien l’intention de poursuivre dans la même direction. D’ailleurs, d’autres enseignantes ont manifesté leur intérêt à s’y engager activement.
« Il reste à voir, dans notre réalité et en n’ayant plus le support aussi soutenu de l’équipe de recherche, comment il sera possible de tirer profit de cette expérience pour continuer à soutenir les enseignantes et les enseignants dans un modèle similaire. » – Marie-Hélène Leblond, conseillère pédagogique.
Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage, Faculté des sciences de l’éducation – Université Laval
Département de didactique, Faculté des sciences de l’éducation – Université du Québec à Montréal
Commission scolaire de la Capitale
Personne-ressource :
Marie-Hélène Leblond
leblond.marie-helene@cscapitale.qc.ca