De plus en plus d’études soulignent l’importance des émotions et de la relation enseignant-élève dans le processus d’apprentissage. Soucieuse d’installer les conditions nécessaires pour soutenir ce processus, l’enseignante Manon Pagé supportée par la directrice Hélène Gagnon a pris l’initiative de mettre sur pied un projet visant à instaurer une éthique de la sollicitude (CARE) dans deux écoles primaires de la Commission scolaire au Cœur-des-Vallées.
« Enseigner, c’est bien plus qu’accompagner [l’élève dans] la construction des connaissances; c’est installer des conditions de soutien nécessaires pour que des êtres acceptent de courir le risque de devenir ce qu’ils souhaitent devenir et soient fiers de chaque pas qu’ils franchissent. » – Manon Pagé, enseignante instigatrice du projet.
L’approche du CARE a été ciblée non seulement en fonction de cette volonté de mettre en place des conditions optimales pour l’apprentissage, mais aussi en fonction des résultats d’un sondage effectué auprès des membres du personnel des deux écoles quant à leurs besoins en matière de formation.
Ainsi, Madame Pagé et les deux autres membres du comité de pilotage du projet, soit Hélène Gagnon, directrice des deux établissements, et Michelle Bourassa, professeure associée de l’Université du Québec en Outaouais, ont mis en œuvre toute une démarche d’apprentissage collaboratif et de partage réflexif dans le but d’imprégner les deux écoles de la culture du CARE.
Plusieurs autres membres de l’équipe-école ont évidemment été mis à contribution. Parmi ceux-ci, on compte des enseignantes, des orthopédagogues, des secrétaires, des techniciennes en éducation spécialisée, des techniciennes du service de garde ainsi que des surveillantes du dîner.
Le projet a débuté par l’administration du sondage dont il a été question en introduction. Des résultats de ce sondage se sont dégagés quatre thèmes (ayant tous un certain lien avec la philosophie du CARE) à propos desquels les membres du personnel souhaitaient enrichir leurs connaissances. Dans cette optique, quatre communautés d’apprentissage professionnelles ont été formées, leurs membres choisissant le thème qu’elles désiraient particulièrement approfondir.
Chacune des CAP s’est par la suite vu offrir une formation réflexive qui a notamment permis aux participantes d’examiner certaines théories en lien avec le thème choisi ainsi que les pratiques qui en découlent, d’échanger sur les questions que ces nouvelles informations ont suscitées et de revoir certaines de leurs pratiques en regard de la théorie et des outils présentés.
Quelques mois plus tard, le comité de pilotage a réuni toutes les participantes et, en CAP thématique, elles ont eu l’occasion de présenter aux autres les éléments qu’elles ont retenus de leur formation et de leurs lectures ainsi que les résultats de ce qu’elles ont expérimenté en classe quant à leur thème.
Par la suite, la réflexion a notamment été nourrie par les échanges spontanés des professionnelles et par la page Facebook créée à cette fin.
« À la suite de cette journée, la réflexion s’est poursuivie à travers les discussions informelles, mais aussi par la mise en place d’un outil de partage, un site commun aux deux écoles, où chaque personne peut proposer des textes et des ressources, mais également faire un appel à tous sur une question qui la préoccupe. » – Manon Pagé, enseignante instigatrice du projet.
Les parents ont aussi été impliqués dans le processus grâce à une conférence leur ayant été offerte, conférence qui présentait principalement les stratégies et les finalités de la démarche entreprise.
L’une des principales difficultés rencontrées dans le cadre de ce projet s’est fait ressentir du côté des membres du comité de pilotage. C’est qu’elles recevaient parfois des commentaires qui prenaient la forme de critiques et qui pouvaient donc les affecter. Mais, bien accompagnées, elles étaient en mesure de recadrer ces remarques de façon à les rendre constructives.
Quant aux réalisations de ce projet, les membres du comité de pilotage ont particulièrement été fières d’observer que, dès le début du processus, les intervenantes se questionnaient déjà spontanément – individuellement et collectivement – à propos de leurs interventions, prenaient l’initiative de se doter de tel ou tel outil, cherchaient à en apprendre davantage sur les thèmes abordés, testaient par elles-mêmes de nouvelles approches, etc.
« « La vérité ne se détient pas, elle se cherche » (Albert Jacquard) était devenu le leitmotiv de toutes les intervenantes. » – Michelle Bourassa, professeure associée.
Les ressources scientifiques (en pédagogie, en psychologie et en neurosciences) ont nourri le projet tout au long de sa réalisation.
Au départ, elles ont été mobilisées dans le cadre des formations réflexives par le comité de pilotage pour faire acquérir aux intervenantes de nouveaux savoirs théoriques et pratiques. Entre les rencontres planifiées, elles ont été exploitées par l’intermédiaire de la lecture de textes et d’autres documents d’appui. Lors des présentations des CAP, les participantes ont eu recours aux connaissances scientifiques pour partager avec les autres groupes thématiques ce qu’elles avaient appris et comment elles avaient réinvesti ces apprentissages dans leurs pratiques.
La professeure Michelle Bourassa, qui, rappelons-le, faisait partie du comité de pilotage, a aussi été une source d’expertise scientifique non négligeable dans ce projet.
La mobilisation de connaissances issues de la recherche a donné naissance à une véritable culture institutionnelle adoptée par tous, incluant les élèves, comme en témoignent d’ailleurs leurs propos et surtout, leurs comportements dans les espaces de vie commune.
L’approche du CARE – éthique de la bienveillance et de la sollicitude – met essentiellement l’accent sur l’importance d’accorder, en tant qu’intervenant en milieu scolaire, une attention particulière à la relation qu’on entretient avec les élèves et aux émotions de ces derniers, vu le rôle crucial de ces deux éléments dans l’apprentissage. Adoptant cette approche qui était à la base du projet, les intervenantes utilisaient entre autres avec les élèves des fiches proposant des pistes d’action pour gérer une émotion lorsqu’elle est trop vive et des outils permettant de « réparer » une relation lorsque des émotions fortes l’ont mise à mal.
Grâce à ce projet, la majorité des intervenantes ont optimisé leurs stratégies d’intervention habituelles en s’appropriant des outils issus de leur CAP. Après tous les mois de discussions, de réflexions et de lectures, elles ont d’ailleurs confié se sentir beaucoup mieux outillées pour accompagner les élèves lors de situations où les émotions prennent une place importante.
Commission scolaire au Cœur-des-Vallées
Personne-ressource :
Manon Pagé
page.manon@cscv.qc.ca